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Pourquoi la plupart des plans de compensation ne fonctionnent pas ?

La compensation est une discipline à part entière au sein d’une direction commerciale, et pourtant on ne compte plus les fois où elle est sous-estimée. C’est à ce moment là qu’elle commence à produire des effets indésirables,manque d’efficacité, perte de motivation, incompréhension… les symptômes sont nombreux. Dans cet article, vous apprendrez à mettre en place des choses simples afin de rendre vos plans efficaces au long cours.

Préambule

Après des années d’analyse et d’observation, dans un nombre assez conséquent de startups, scale-ups et PME, françaises et internationales, le constat est implacable : les plans de compensation ne fonctionnent pas.

Mal dimensionnés, incompréhensibles, démotivants, déconnectés du business… la plupart des plans ne permettent que trop rarement d’exploiter à son maximum le potentiel des équipes concernées, et d’ainsi aligner les intérêts de toutes les parties.

Et pire encore, ce constat n’est que trop rarement fait par les C-levels et Directeurs en charge de ces sujets. Analyser la mauvaise performance commerciale sans commencer par analyser ses schémas de rémunération variable est une erreur.

Quel que soit le plan de commissionnement mis en place, et quelle que soit la population concernée (Business Developers, Account Executives, Customer Success Managers, etc.), construire des analyses ad-hoc et, encore mieux, mettre en place du reporting sur les plans est indispensable au contrôle de la performance, à la maitrise des budgets et à la satisfaction des commerciaux.

Mesurer pour mieux régner

Au même titre que l’on mesure la performance commerciale externe via une multitude d’indicateurs (ventes, ACV, win rate, pipeline velocity, CAC, LTV, etc.), on se doit inévitablement de mesurer l’efficacité de ses plans de compensation.

La mesure de l’efficacité d’un plan de commissionnement passe inévitablement par deux pré-requis :

  • une donnée fiable, précise, disponible (on doit pouvoir y accéder), et la plus granulaire possible
  • un historique suffisamment étoffé pour donner des tendances en lissant les effets de saisonnalité, d’accidents, et autre (lancement d’un nouveau produit ou service par exemple)

Pourquoi mesurer ses plans de compensation ? La raison est simple : à tout moment, il faut pouvoir répondre aux 3 questions suivantes :

  • La performance commerciale de l’entreprise et la rémunération variable individuelle sont-elles alignées ?
  • Les top performers dans les faits sont-ils également ceux qui gagnent le plus ?
  • Les intérêts individuels de chacun sont-ils 100% compatibles avec ceux de ses pairs ?

Beaucoup de méthodes peuvent fonctionner afin de répondre correctement à ces questions. L’objectif de cet article n’est pas de les énumérer dans le détail, mais de donner quelques éléments pratiques à mettre en place. Nous vous proposons très schématiquement 3 étapes :

  1. Mettre en place un reporting mensuel (voire trimestriel si les plans le sont, et si les cycles de ventes sont suffisamment longs).

    1. Commissions versées à un niveau individuel, équipe, marché et pays, en € et en % de l’OTVE (à comparer avec le % d’atteinte des objectifs commerciaux par individu, équipe, marché et pays), et avec une distinction :

      • Personnes en période de ramp-up ou non
      • Commissions standards vs. challenges ad-hoc (SPIFF et autres)
    2. Actuals, quota, % d’atteinte, % d’atteinte de l’OTVE (i.e. % d’atteinte après application d’accélérateurs/décélérateurs potentiels) par KPI utilisé dans le plan de compensation et au global

    3. Classement ordonné par % d’atteinte de l’OTVE distinction top vs. low performers

    4. Pour avoir une vue contextuelle : sur les 3, 6 et 12 derniers mois, nombre de mois au dessus de 100%, nombre de mois en dessous de 100%.

  2. Mettre en place une instance de revue des commissions versées, mensuellement / trimestriellement.

  3. Créer un process / career path individuel en fonction de la performance, par exemple :

    1. x mois à + 120% ⇒ promotion à un poste de senior / team lead / autre poste selon le career path
    2. x mois à - de 80% ⇒ mise en place d’un Performance Improvement Plan (PIP)
    3. etc.

Ces éléments de gestion opérationnelle devraient vous aider à y voir plus clair sur les tenants et les aboutissants de vos plans actuels.

Les règles fondamentales

Pour fonctionner, un plan de commissionnement doit respecter quelques règles élémentaires.

1️⃣ Règle n°1 - Il doit être distribué selon une loi normale

La répartition des performances relatives de chacun (% d’atteinte du variable théorique, terme que l’on retrouve également sous les acronymes OTVE, pour On-Target Variable Earning, ou OTC pour On-Target Commission) doit être normalement distribuée, c’est-à-dire qu’elle doit suivre une courbe de Gauss.

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En termes pratiques, cela signifie que :

  • Un grand nombre de commerciaux devront avoir un % d’atteinte de l’OTVE centré autour de 100%
  • Un nombre plus faible devront avoir un % d’atteinte de l’OTVE ≥ à 110% ou ≤ à 90%
  • Un nombre encore plus faible devront avoir un % d’atteinte de l’OTVE ≥ à 130% ou ≤ à 70%

En évitant les % d’atteinte de l’OTVE trop extrêmes, qui seraient de nature à soit banaliser l’exceptionnel, soit perdre les commerciaux pour de bon.

L’objectif ultime est que la somme des commissions versées soit égal à la somme des OTVE. Autrement dit, il faut qu’en moyenne, tous les commerciaux ayant un plan de commissionnement commun gagnent 100% de leur variable.

2️⃣ Règle n°2 - Il doit être discriminant

C’est le prolongement de la règle précédente : pour arriver à une distribution normale, il faut que les meilleurs commerciaux sur-performent (leur % d’atteinte de l’OTVE doit être supérieur à 100%) et que les mauvais commerciaux sous-performent (leur % d’atteinte de l’OTVE doit être inférieur à 100%).

Cela peut sembler être une évidence, mais cette règle est très souvent ignorée.

Du fait de la grande variété de profils qui peuvent composer une même équipe commerciale (niveaux d’expérience, ancienneté, segments de prospection, vélocité, etc.), les objectifs de chacun ne sont pas toujours au même niveau, et on peut parfois se retrouver dans des situations où un commercial ayant des objectifs très faibles aura un % d’atteinte de son OTVE beaucoup plus élevé qu’un commercial expérimenté avec des objectifs bien plus conséquents.

Les raisons peuvent être multiples : période de ramp-up non plafonnée, mauvaise analyse de l’historique, etc.

Aussi, il ne doit pas être distribuée sur une plage trop restreinte, c’est-à-dire pas assez discriminant. Sur les exemples ci-dessous, il faudra privilégier la courbe en vert, mieux distribuée, que la rouge.

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Si la courbe est trop centrée autour de 100% (courbe rouge), c’est que les % d’atteinte de l’OTVE sont trop centrés autour de 100%, en d’autre termes que :

  • les commerciaux qui sous-performent ont des % d’atteinte de l’OTVE pas assez faibles
  • les commerciaux qui sur-performent ont des % d’atteinte de l’OTVE pas assez élevés

Les raisons peuvent être multiples :

  • les objectifs ne sont pas assez élevés / sont trop élevés
  • les décélérateurs / les accélérateurs ne sont pas assez marqués

💡 Dans la pratique, il est coutume d’avoir une plage de distribution s’étalant à 90% entre 70% et 130%.

3️⃣ Règle n°3 - Il doit être directif

Cela peut paraitre trivial, mais néanmoins c’est un élément essentiel de la compensation.

Un plan de rémunération variable efficace, c’est un plan qui permet d’influer très clairement sur la manière dont les commerciaux vont travailler.

On rapproche souvent cette règle de la notion de North star KPI, et on peut associer ça à la question à ce poser au moment de choisir un KPI d’un plan de rémunération : “le KPI sur lequel j’incentive mon équipe est-il aussi important pour l’entreprise, pour moi, et pour eux, à cet instant ?”

4️⃣ Règle n°4 - Il doit être stable

Là encore, voici une règle simple mais néanmoins essentielle.

Un plan de compensation ne peut être parfait, mais il doit au moins conserver de la stabilité et la cohérence dans le temps.

Trop souvent, les responsables commerciaux cherchent à corriger ce qui ne fonctionne pas à leurs yeux en modifiant les schémas de rémunération tous les 3 mois. Cela n’apporte rien d’autre que de la frustration et de l’incompréhension de la part des équipes concernées.

💡 Une fois mis en place, un plan doit tenir au moins 6 à 12 mois afin de générer de l’adhésion, du confort et de la confiance.

Le danger des plans trop simplistes

Le plan de commissionnement en % du KPI (rate-based KPI) est actuellement le plus utilisé par les directions commerciales pour une raison très simple : on considère le Sales comme un apporteur d’affaire, et il convient nécessairement de lui rétribuer un % de ce qu’il signe.

Néanmoins, ce schéma doit être utilisé avec prudence, et il convient de poser les bonnes questions avant de le mettre en place.

Le problème qu’il peut se poser est double :

  • Sans objectif affiché, il est difficile pour un Sales de s’engager… à l’atteindre !

Se voir rétrocéder un % de ce que l’on signe est quelque peu incompatible avec le sentiment d’appartenance et d’engagement envers une équipe et une entreprise, pour ce qu’elles représentent en termes d’objectifs à atteindre.

  • Ce schéma simpliste n’est pas vraiment adaptable à une stratégie de go-to-market évolutive, ou à des lancements de nouveaux produits.

Dis autrement, une stratégie de compensation basé sur des KPIs adaptés à la stratégie de l’entreprise permet de maximiser la commercialisation de nouvelles offres, la pénétration d’un marché, ou l’attaque d’un segment particulier.

Le danger des plans trop complexes

Il existe trois réponses à la question de la sur-complexité des schémas de rémunération :

  • C’est oublier les fondamentaux : le commissionnement sert à gagner de l’argent
  • La simplicité permet l’efficacité
  • Le Sales ne peut pas être rémunéré à 100% sur son travail propre (il bénéficie toujours du travail des autres)

On a tendance à l’oublier, mais en prenant le recul nécessaire, le plan de commissionnement n’est ni plus ni moins qu’un moyen de rémunérer un salarié.

Pour cette raison fondamentale, vouloir mettre en place des plans complexes en place pour être le plus directif possible dans la manière de travailler offrira au mieux des résultats moyens, au pire une incompréhension puis un désengagement des équipes concernées.

Voici un exemple de ce que l’on peut observer :

Quantitatif individuel = 60% ⬇️

  • KPI #1 = 25%
  • KPI #2 = 20%
  • KPI #3 = 10%
  • KPI #3 = 5%

Autre = 40% ⬇️

  • Qualitatif individuel = 30%
  • Gestion sujet #1 = 20%
  • Gestion sujet #2 = 10%

Ce schéma est trop complexe : il va pousser les Sales concernés à baisser les bras sur l’ensemble des KPIs et/ou composantes de leur plan en dessous de x%.

D’autres préfèrent au contraire éviter que les actions d’autres parties prenantes aient un impact sur les résultats d’une personne. L’exemple typique est le plan de compensation qui vise à partager la valeur d’un deal signé entre différentes parties prenantes de manière rigoureuse et réaliste à l’apport de chacun.

Par exemple, un Sales et un AM qui se partagerait le % de la valeur du deal à hauteur de ce à quoi ils ont contribué : hélas, ce schéma ne fonctionne jamais !

💡 Il faut prendre une règle simple de partage. C’est la loi des grands nombres : à la longue, elle sera toujours bénéfique pour tous, et aura en plus de ça le mérite d’être bien comprise et bien intégrée.

Conclusion

Les raisons pour lesquelles les plans de compensation ne fonctionnent pas peuvent être nombreuses, et parfois évidentes, mais la raison sous-jacente à leur existence l’est encore plus : la compensation est une discipline à part entière au sein d’une direction commerciale.

La négliger revient à négliger l’impact humain et psychologique que peut avoir la rémunération sur la motivation, la confiance et ce que transmet une personne au travail.

Parler d’objectifs et de stratégie sans parler de schéma de rémunération minimisera systématiquement l’atteinte de ces objectifs et le succès de cette stratégie au long cours.

N’attendez plus !