Les grands principes d’un plan de compensation réussi
Ces dernières années, plusieurs facteurs ont amené la rémunération variable des équipes commerciales à être pensée et conçue de manière plus scientifique par les équipes Ops. Cet article vous explique de manière succincte les grands principes qui vous amèneront à mettre en place des plans de compensations efficaces en termes de résultats, motivants pour les équipes, et contrôlables pour l’organisation.
Préambule
Les rémunérations variables ne sont plus l’apanage des RH et des directions commerciales. Leur théorisation, leur mise en oeuvre et leur contrôle sont répartis sur de plus en plus d’équipes, et le centre de gravité s’est ostensiblement déplacé vers les équipes Ops.
Les Ops, avec toutes leurs qualités analytiques et de gestion de projet, sont désormais en charge de la conception, la création, l’alignement, l’administration et la mesure des plans de commissionnement.
Cette tendance s’explique par trois éléments :
- la relation très forte qu’il existe entre stratégie commerciale en amont et compensation comme levier n°1 pour l’activer en aval ;
- la complexification de la vente, qui devient quasi-scientifique dans son approche ;
- l’explosion de la data et de son utilisation (notamment par les Ops) ;
- la structuration et la concurrence au sein des équipes commerciales ;
👉 Le but de cet article est de décrire succinctement les grands principes de la mise en place d’un plan de compensation avec succès.
1. Définir l’architecture du plan au bon moment
Le plan de compensation doit être impérativement pensé après avoir défini de manière très explicite et détaillée la stratégie et les objectifs commerciaux au global. Pas l’inverse.
Beaucoup d’organisations pensent le plan de compensation comme un moyen simple et rapide de vendre plus et mieux. Ce postulat est vrai uniquement s’il y a eu une réflexion poussée en amont :
Quels objectifs commerciaux je veux atteindre en tant qu’entreprise sur l’année ? A 3 ans ? A 5 ans ?
⇒ Exemple : est-ce que je veux atteindre x€ de CA ? est-ce que je préfère me concentrer sur y nouveaux clients ? est-ce que je veux pousser le développement des comptes existants pour augmenter le panier moyen de z% ? est-ce que je veux limiter le churn à a% ?
Quelle est ma stratégie commerciale pour atteindre ces objectifs ?
⇒ Exemple : est-ce que je veux pousser une stratégie “land & expand” ? est-ce que je veux pousser une stratégie “product-led growth” ? est-ce que je veux me concentrer sur les grands comptes aux cycles de vente plus longs ? est-ce que je veux que mes équipes se concentrent sur la vente-conseil ? sur la vente transactionnelle ?
Comment je veux organiser et former mes équipes pour appliquer cette stratégie commerciale ?
⇒ Exemple : est-ce que je veux séparer les rôles entre l’inbound et l’outbound ? est-ce que je veux spécialiser les rôles de prospection / qualification / closing ? est-ce que je veux des équipes dédiées aux grands comptes ? est-ce que je veux séparer le rôle d’upsell de celui de rétention ? quels programmes d’enablement je veux mettre en place ?
👉 Une fois que ces questions ont été traitées, c’est alors l’heure de définir la manière dont on va inciter et motiver les commerciaux à réaliser ces objectifs.
2. Concevoir le plan dans sa globalité
Un plan de compensation performant et durable est un plan conçu globalement, c’est-à-dire en anticipant tous les éléments qui le concernent, de près ou de loin. Ce n’est pas simplement un mécanisme accélérateur, un % du revenue, ou un minimum attendu. Il faut penser le plan sous toutes ses facettes, de la plus basique à la plus fine, en commençant par l’essentiel : le salaire variable.
Ainsi, on recommande généralement de suivre les étapes de développement suivantes :
🎯 Définir le salaire variable cible (c’est-à-dire le salaire variable à 100% de performance, que l’on retrouve également en anglais sous les acronymes OTVE, pour On-Target Variable Earning, ou OTC pour On-Target Commission) et sa proportion par rapport au salaire fixe. Le but est de faire coïncider le % de variable dans le salaire total avec le rôle et les missions d’une population.
⇒ Exemple : on considère généralement qu’un AE doit disposer d’un % de variable supérieur à un CSM. En effet, on attendra d’un AE une prise de risque plus grande pour atteindre ses objectifs de chasse, alors qu’on aura tendance à vouloir sécuriser une part importante du salaire du CSM pour qu’il puisse installer une relation durable avec un client.
⚠️ Discuter des limites basses et hautes (threshold et capping) que l’on veut éventuellement (mais pas nécessairement) mettre en place, dans une optique de contrôle des coûts. La limite basse permet de ne pas payer les commerciaux en-dessous d’un certain % d’atteinte : c’est un minimum attendu. La limite haute, à l’inverse, permet de contrôler la sur-performance en bloquant le paiement au-delà d’un certain % d’atteinte.
🎼 Définir les KPIs que l’on veut intégrer dans le plan, ainsi que leur mode de calcul. Il s’agit de l’étape la plus cruciale, car c’est elle qui déterminera ce sur quoi les commerciaux vont produire leurs efforts au quotidien. Ici aussi, des règles d’usage existent, sur le nombre de KPIs maximal à introduire, sur le poids minimum de chaque KPI dans le plan, etc.
🗓️ Définir la fréquence du plan : le business model, la séniorité, la durée du cycle de vente, la typologie de client, la maturité du marché… sont autant de paramètres qui doivent aider à définir la bonne fréquence à adopter. En schématisant, on peut dire que plus une population sera senior, sur un marché stable, avec des clients grands comptes, et sur des deals longs, plus la fréquence aura tendance à être faible (plan trimestriel voire semestriel ou annuel).
3. Préparer les objectifs en amont
Pas d’objectif, pas de plan de compensation !
Quel que soit le plan de compensation mis en place, la définition des objectifs (appelés communément targets ou quotas en anglais) sera un passage déterminant sur son chemin vers la réussite.
Le bon calcul des objectifs est toujours un sujet sensible au moment de lancer un plan de compensation : trop élevés et le risque de démotivation s’accroit, trop bas et le surcoût n’est plus corrélé à une bonne performance.
Avec l’aide de l’équipe Finance, le but de cette étape est de distribuer les objectifs globaux sur l’ensemble des populations, en cascade. C’est un processus itératif, car il faut jongler entre l’analyse de l’historique, le potentiel du marché dans les mois/années à venir, le budget financier et le développement des commerciaux.
⚠️ Beaucoup d’organisations pensent que l’augmentation des targets aura comme effet direct et immédiat d’augmenter le revenu. C’est bien évidemment une chimère : la corrélation existe, mais elle est faible, eut égard à tous les autres paramètres qui entrent en jeu (pêle-mêle : la part du salaire variable, les KPIs utilisés, les mécanismes d’incentive, la formation, la communication, la formation, la motivation et le management des équipes, la qualité de la donnée…).
4. Prévoir la gouvernance et les process
On aura beau mettre en place le plus parfait des plans, sans gouvernance ni process associés, il n’aura aucun effet notable sur la performance commerciale. A l’inverse, un plan très simple pourra avoir un effet positif sur les résultats commerciaux s’il est géré d’une main de maitre.
C’est ici que ce qu’on attend de l’Ops change quelque peu : d’un rôle plutôt analytique, on passe à un rôle de chef de projet. Il faut organiser, communiquer, documenter et former dans un seul but : que tout le monde pousse dans le même sens.
Organiser
Il est nécessaire de préparer les routines et les process de la compensation, adaptés à la fréquence et aux personnes impliquées - en essayant justement d’impliquer le plus de personnes afin de rendre le sujet central dans l’organisation commerciale.
Communiquer
Il faut parler à outrance ! L’objectif ici est de sortir le commissionnement de son carcan estampillé “Ops”. Une fois que le plan a été défini, il faut créer le débat public avec les directions commerciales (Directeurs, Managers, éventuellement Team Leaders), la Finance, le Marketing et les RH. Chaque personne impliquée dans le débat aura non seulement le sentiment d’avoir participé à l’élaboration du plan, mais également apporté sa compétence.
Documenter
La documentation a deux vertus : celle de structurer et de clarifier les choses, et celle de laisser une trace indélébile, notamment quand viendra le temps des conflits et des trous de mémoire sur l’origine des choses. Il ne faut pas oublier que la compensation est un sujet (très) sensible : les populations impactées y mettront beaucoup d’émotion, et il est important de contre-balancer ça en écrivant la réalité des choses noir sur blanc.
Former
Les équipes et populations concernées doivent se sentir concernées, presque imprégnées des plans que l’on a dessiné pour elles. En tout état de cause, il faut donc abattre un travail d’évangélisation auprès de tous afin que chacun connaisse ses leviers de motivation sur le bout des doigts, et qu’il puisse prêcher la bonne parole (auprès des nouveaux arrivants notamment).
5. Mesurer l’efficacité
Quelques mois après la mise en place d’un plan de compensation, il est essentiel de regarder dans le rétroviseur : est-ce que mon plan fonctionne ? est-ce qu’il a permis de réaliser les objectifs fixés au niveau global ? est-ce qu’il récompense les meilleurs et pénalise les moins bons ? est ce qu’il génère un coût en ligne avec le revenu qu’il permet de dégager ?
Toutes ces questions ne doivent bien évidemment pas être traitées à la légère, mais bel et bien être intégrées dans un reporting précis et régulier. Cela permettra non seulement de corriger ce qui doit l’être, mais aussi d’obtenir une donnée dynamique sur l’évolution de la performance individuelle.
📚 Pour aller plus loin… Le sujet est peu documenté, en dépit de son importance certaine. Néanmoins, nous vous conseillons la lecture de What your CEO needs to know about Sales compensation, Mark Donnolo, 2013, aux éditions Amacom.